jueves, 26 de noviembre de 2015

La Recherche à hauteur d'homme

L'oeuvre de Proust reste trop peu lue. Sa monumentalité supposée intimide : trop complexe et élitiste, perverse et autarcique. Loin d'être une écrasante machine infaillible, ce texte, écrit au pas de course, est au contraire très hospitalier, débordant de vitalité et d'humour.
Proust fait peur. C'est pourquoi la plupart des gens, alors que ça leur ferait du bien, n'ont pas lu À la recherche du temps perdu. Ils y songent parfois, mais ils sont rebutés par la taille de l'oeuvre. S'ils achètent quand même Du côté de chez Swann, ils bronchent devant ses quatre cents pages quand ils découvrent que six autres volumes suivent. S'ils s'y risquent, seule une moitié d'entre eux se procurera À l'ombre des jeunes filles en fleurs, et une moitié de cette moitié Le Côté de Guermantes. Après quoi, il est vrai, la déperdition se réduira. Pourquoi tant de réticence ? Pourquoi autant d'abandons ? Parce que cette oeuvre est longue. Parce qu'elle a la réputation d'être difficile. Parce qu'elle en impose comme un monument qui ne cesse de grossir depuis qu'il a été déposé dans la littérature française entre 1913 et 1927. Parce qu'elle traite de questions graves, profondes, inquiétantes : l'amour, la mort, l'art. Parce qu'on associe son auteur au snobisme, à la perversion, au mal. Ainsi, la résistance à Proust reste forte presque un siècle après son apparition dans la vie littéraire.
Or cette oeuvre n'est pas difficile. Ceux qui prétendent qu'elle l'est sont de mauvaise foi et le font pour rester entre soi, pour « en être », comme on disait chez les Verdurin. Les phrases de Proust sont sans doute interminables, du moins certaines d'entre elles, mais rien n'empêche de les lire vite, comme elles ont été écrites. Si on commence à s'arrêter sur la construction syntaxique de chaque phrase, si on cherche à l'enfermer dans une de ces analyses logiques comme on les faisait à l'école primaire, il est certain qu'on n'en aura jamais fini. Et puis on s'apercevra que cette syntaxe est parfois bancale, que Proust lui-même se perdait dans ses rallonges, entre les participes présents en porte-à-faux et les parenthèses non refermées.
Peut-être est-ce la première chose dont il faut se convaincre pour pouvoir se plonger dans Proust : cette oeuvre n'est pas parfaite, elle est ce qu'elle est, mais elle aurait pu être autre chose. Le livre que nous tenons en main est contingent, inachevé ; il a été interrompu par l'imprimeur pour les premiers volumes, par la mort de l'auteur pour les derniers. Il a été, pour ainsi dire, bâclé. Si ce roman peut, doit être lu vite - il sera toujours temps d'y revenir -, c'est aussi que, à l'encontre d'une idée reçue qui effraie aussi, il a été conçu dans la hâte, entre 1909 et 1912 pour la première version à peu près au point à la veille de la Grande Guerre, entre 1915 et 1916, pour la seconde version introduisant Albertine, c'est-à-dire en très peu de temps. Au-delà, Proust relit, révise, remembre, raccorde indéfiniment. Montaigne, lui, a mis vingt ans à écrire les Essais, de 1572 à sa mort en 1592, soit moins de soixante pages par an. Proust, lui, fonçait.
Si beaucoup de phrases laissent à désirer, la construction d'ensemble est elle-même problématique. Proust assurait avoir écrit la fin pour commencer, c'est-à-dire avoir su le sens de son roman avant de l'écrire. Sans doute, mais les aléas de la rédaction, retardée notamment par la guerre, ont perturbé la doctrine du Temps retrouvé. Le texte définitif - si on peut parler d'un texte définitif de La Recherche - ne correspond plus à la doctrine initiale. Et c'est heureux. Une oeuvre qui se conforme à son programme, c'est une oeuvre qui s'épuise vite, parce que ses lecteurs ont tôt fait de l'assimiler, mais une oeuvre déséquilibrée entre son projet et son accomplissement, c'est une oeuvre qui a de quoi franchir le temps. Non pas que toutes les oeuvres imparfaites soient promises à la postérité, bien entendu, mais celles qui portent en leur coeur un ratage magnifique, la contradiction par rapport à tout dessein qui est la vie même. Roman vite fait, roman imparfait, roman réussi pour ces raisons mêmes, parce qu'il donne prise au lecteur, À la recherche du temps perdu ne devrait pas effaroucher. De plus, c'est un livre drôle, un livre où on n'en finit pas de rire, ou de sourire, ce qui n'empêche pas de penser.
Roman comique, La Recherche l'est d'abord en ce sens ordinaire, comme une comédie de Molière. Mais La Recherche est aussi une comédie dans un sens plus surprenant, et même exceptionnel, pour une oeuvre moderne : son dénouement est heureux. L'un des traits les plus constants des oeuvres modernes, depuis Madame Bovary et Les Fleurs du mal, jusqu'à Kafka ou Beckett, c'est que ça finit mal, ou plus mal que ça commence. Or Le Temps retrouvé, avec la révélation de « L'Adoration perpétuelle » et le carnaval du « Bal de têtes », se termine par une apothéose. Le narrateur, en panne depuis trois mille pages, trouve le truc qui lui permettra de surmonter son impuissance d'écrivain et de réaliser son oeuvre, probablement celle que le lecteur a en main. Les dernières pages du roman sont jubilatoires, peut-être même un peu suffisantes. Déambulant parmi les débris d'un autre âge qui peuplent le salon de la princesse de Guermantes, l'ancienne Mme Verdurin, comme des masques de la décadence, des fantômes qui s'ignorent, le narrateur a conscience que lui seul a l'avenir devant lui.
À la recherche du temps perdu est une oeuvre moderne positive, peut-être la seule. C'est la raison pour laquelle Sartre la jugeait aliénante et exigeait qu'on s'en débarrassât. Bien sûr, pour que ça se termine bien et que le héros devienne écrivain, il a fallu qu'Albertine meure. C'est une très vieille histoire, point moderne du tout. Pour qu'un homme grandisse, devienne adulte, trouve sa vocation, écrive, une femme doit toujours mourir, comme Eurydice à qui Orphée survécut pour devenir le patron de la poésie, comme Manon à qui Des Grieux survécut pour devenir un saint homme et publier un commentaire du quatrième livre de L'Énéide, le livre de l'amour. Aujourd'hui, au temps de la parité idéale, la leçon peut toutefois s'entendre sans faire acception des genres, dans sa positivité neutre : « Deviens qui tu es. » Il y a une morale du roman de Proust, morale nietzschéenne, non réactive, morale de la Vita nova que Roland Barthes avait excellemment perçue dans ses derniers cours du Collège de France, en 1979 et 1980, sur « La Préparation du roman » : Proust, avec Pascal, Chateaubriand, Kafka, lui servait de guide à l'instar du Virgile de Dante.
On a longtemps prétendu que Proust était méchant et son roman immoral, ou amoral : dans les années 1930, c'était le grief de Mauriac, frappé par l'absence de Dieu dans La Recherche ; c'était encore, dans les années 1970, celui de Maurice Bardèche, insistant sur le sadisme, le voyeurisme, la cruauté de quelques scènes mémorables. Cela peut décourager certaines âmes sensibles. Mais Barthes avançait qu'il n'est pas de grand roman sans amour, sans générosité absolue. Un grand roman accueille, embrasse le monde dans sa totalité. Proust ne l'ignorait pas, qui réfléchissait à cela dans les pages de La Prisonnière sur Dostoïevski, lui-même sans doute familier du mal pour l'avoir dépeint avec tant d'acuité, mais débordant de bonté pour ses personnages les plus peccamineux. Dans le Contre Sainte-Beuve, esquisse de La Recherche en 1908, le narrateur se disputait avec sa mère au sujet de Baudelaire, qu'elle jugeait mauvais, et il soutenait que le poète avait dû aimer les petites vieilles pour les décrire comme il le faisait, pour leur prêter une telle attention. Le roman à l'apparence la plus impitoyable, Voyage au bout de la nuit ou même Les Particules élémentaires, ne nous serait pas offert sans une élémentaire étincelle de confiance dans le monde, ne serait-ce que dans cette chose du monde qu'est la langue.
À la recherche du temps perdu, roman moral, bien sûr cela ne veut pas dire roman moraliste ou roman de la « moraline », comme disait Nietzsche autre homme bon, mais roman soucieux des autres, attentif à leur interaction, à leur interlocution, aux infimes blessures que cause parfois une amitié comme au réconfort qu'elle peut apporter, par exemple le « soir de l'amitié » entre Saint-Loup et le narrateur, dans Le Côté de GuermantesLa Recherche est donc un roman comique non seulement parce qu'il est drôle et qu'on y rit, mais aussi parce qu'il est rédempteur, comme La Divine Comédie, que la vie y est rachetée dans ses bavures, ses souffrances, ses délices. Le roman de Proust n'a rien d'une oeuvre fermée sur soi comme on la présente souvent. Certes, on y lit lors de la révélation finale : « La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature. » Mais la littérature n'est pas une fin en soi, et la suite est moins souvent citée : « Par l'art seulement nous pouvons sortir de nous, savoir ce que voit un autre de cet univers qui n'est pas le même que le nôtre, et dont les paysages nous seraient restés aussi inconnus que ceux qu'il peut y avoir dans la lune. » Il s'agit, grâce à la littérature, de voir le monde avec les yeux d'un autre, d'avoir accès au monde de l'autre, donc de comprendre l'autre, d'accéder à lui ou à elle. La littérature est connaissance, non pas repli, séparation ou secret. Proust, prophète de la religion de la littérature, n'ignorait pas que la littérature peut servir dans la vie. Son narrateur évoque quelque part les hommes d'action qui le regardaient de haut, comme un dilettante, un bon à rien, sous prétexte qu'il s'intéressait à la littérature. Il observait avec malice « la satisfaction qu'ont les hommes "occupés" - fût-ce par le travail le plus sot - de "ne pas avoir le temps" de faire ce que vous faites », et il se moquait de l'aveuglement de ces êtres affairés qui ne prenaient pas le temps de lire, ne voyant dans la littérature qu'une distraction d'oisif. « Les hommes occupés, objectait-il, manquent de réflexion. Car la culture désintéressée, qui leur paraît comique passe-temps d'oisifs quand ils la surprennent au moment qu'on la pratique, ils devraient songer que c'est la même qui, dans leur propre métier, met hors de pair des hommes qui ne sont peut-être pas meilleurs magistrats ou administrateurs qu'eux, mais devant l'avancement rapide desquels ils s'inclinent en disant : "Il paraît que c'est un grand lettré, un individu tout à fait distingué." » Proust savait que l'administrateur et le magistrat, s'ils sont cultivés, réussissent mieux dans leur carrière, gagnent mieux leur vie, reçoivent des promotions, des bonus, des primes. Peut-être parlait-il avec un peu d'ironie : comme Pierre Bourdieu, il évoquait la « distinction », qui rime avec « reproduction » et « discrimination ». Mais, si l'homme ou la femme qui - aujourd'hui - ont lu Proust vivent mieux, en tous les sens de l'expression, est-ce simplement par ce qu'ils « en sont » ? N'y a-t-il pas d'autres, de meilleures raisons ? Certes, la littérature sert dans les salons où se font les carrières : nous connaissons tous des Legrandin, ingénieurs cultivés, précieuses ridicules. Le docteur Cottard impressionne ses collègues non parce que cet imbécile a un diagnostic infaillible, mais parce qu'il fréquente le salon Verdurin, ce qui fait de lui un homme en vue et lui procure l'académie ou la Légion d'honneur. Mais d'autres que Legrandin ou Cottard, s'ils vivent mieux, Saint-Loup par exemple, n'est-ce pas qu'ils ont appris à vivre dans la littérature ? Qu'ils y ont découvert une de ces grandes lois que La Recherche se propose de formuler ? On ne désire jamais quelque objet que ce soit pour lui-même. L'amour, l'ambition sont des illusions subjectives. Désirer trop quelque chose, c'est s'assurer de ne pas l'obtenir. Il est bon de lire Proust pour se guérir du narcissisme et du mimétisme. Le magistrat lettré, l'ingénieur qui prend le temps de lire, seront moins dupes de la vie, plus dégagés de leur propre histoire, plus joueurs, mieux capables d'entrer dans les beaux rôles que la vie fera passer devant eux. Bref, il faut lire Proust - vite, mais aussi lentement, en riant, mais aussi parfois en pleurant, cum grano salis, mais aussi avec le plus grand sérieux, sans peur et sans reproche -, parce que, après tout, ça paie. Lire La Recherche - mais aussi d'autres romans - aide à devenir l'auteur de sa vie.

miércoles, 25 de noviembre de 2015

Sangre inútil_MARC PALMES GIRO




Estando en capilla con Txiki hace ahora 10 años, se nos acercó un militar a comentarnos su extrañeza porque éramos los más tranquilos de la reunión. Estábamos Txiki, su hermano Mikel, Magda Oranich y yo, sentados aparte, charlando durante las largas y angustiosas horas de la capilla. Se encargó de contestarle Txiki: "Nosotros no tenemos de qué avergonzarnos por estar aquí. Vosotros, sí".Aquella noche se vivieron horas dramáticas en las diversas y simultáneas capillas: la de Otaegui en Burgos, las de García Sanz, Sánchez Bravo y Baena Alonso en Madrid y la de Txiki en Barcelona. También en las sedes de los colegios de abogados se constituyeron comisiones permanentes, cuya principal función consistió en llamar a todos los rincones posibles del mundo en busca de presiones para el indulto: se habló con Willy Brandt, con el Vaticano, Londres, Washington, París, etcétera.
Todo fue inútil. El franquismo salió como había entrado: con sangre. Sangre totalmente inútil. Sólo tres semanas después hubieran salvado su vida los cinco antifranquistas ejecutados.
Txiki hizo gala de una serenidad impropia de un muchacho de su edad: 21 años. Era tal la fuerza de convicción de sus ideas y su entrega a las mismas que la seguridad de que su muerte iba a ser más rentable políticamente que su vida, le llevó ante el pelotón de ejecución con un semblante pálido, pero sonriente. Gritó con voz clara: "¡Aberri ala hil!" ("¡Patria o muerte!") y "Gora Euskadi askatuta", y cuando empezó a entonar el "Eusko gudariak" (himno del soldado vasco) sonaron los disparos de los subfusiles de los guardias civiles voluntarios que integraban el pelotón. No hubo ráfaga. La ejecución fue tiro a tiro. Su voz sólo se acalló con el tiro de gracia.
Tenía 11 balas en el cuerpo, repartidas entre el estómago y la parte alta del tórax.
Antes de morir dejó en manos del notario Zabala un testamento político dirigido al pueblo vasco y unos versos que él pretendía fueran proféticos: "Mañana, cuando yo muera, no me vengais a llorar, nunca estaré bajo tierra, soy viento de libertad".
Que así sea. Que el respeto a la libertad impregne nuestros espíritus, y nuestras instituciones y leyes.
Y que también convenza a las autoridades de la gratuidad y arbitrariedad del mantenimiento de la ley Antiterrorista, heredera de aquel decreto ley que Franco promulgó en agosto de 1975 y que fue utilizado para acelerar los procesos pendientes y ejecutar, en lo que pretendía ser acción ejemplar, a Txiki, Otaegui, García Sariz, Sánchez Bravo y Baena Alonso.
Que así sea.

domingo, 22 de noviembre de 2015

Hacia la pintura por la palabra (II) - David García Casado

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“¿No era ello, el verbo, lo que siempre se ha pintado – lo que siempre se ha intentado pintar? ¿Qué, sino esa voz que nombra el mundo, en lo trazado por el pincel se imaginaba haber?” 
José Luis Brea. Idea de claridad: la voz de la pintura. En El cristal se venga

“Existen buenas razones para que todo lo que vemos en la naturaleza exterior sea ya en nosotros escritura, algo así como una especie de lenguaje de signos que, sin embargo, carece de lo más esencial, la pronunciación, la cual el hombre debe haberla recibido de alguna otra parte”
Franz von Baader. Citado en El origen del Trauerspiel alemán de Walter Benjamin.

Si, hay una vuelta a la pintura, pero por qué no habría de haberla. Mas allá de su condición de objeto único, favorable en el sistema del arte como elemento de especulación y símbolo de poder, la pintura per se es ejemplo emblemático de una “pulsación estilística” que puede extrapolarse, en las artes y en general, como una forma de extensión táctil hacia el mundo y la organización de sus signos. Esta pulsación estilística es el modo en que los hombres hacen uso de las artes y sus técnicas para nombrar, a su manera, lo que contemplan y lo que sienten, con la voluntad -a menudo ilusoria- de que la lectura de lo que en su tarea producen haga sonar en nosotros la “melodía” de la experiencia. 
En verdad, cuando uno pasa por alto los efectos representacionales de una pintura y mira con atención la pura superficie pictórica, deja de buscar la imagen para encontrarse con procedimientos de inscripción más cercanos a la producción de trazo de la escritura. Es en realidad esta pulsación estilística de la mano -o sus formas intencionales de ocultarla- la que nos interesa como creadores en tanto en que partitura técnica, pero también en tanto como ejercicio alegórico de apelación a un cuerpo que se quiere nombrar, a un verbo, como lúcidamente detectó José Luis Brea. La imagen como totalidad o compendio de formas es indudablemente útil para un analista de los símbolos, para un historiador de las formas de representar el mundo. Pero todo estudio de la imagen es incompleto si pasa por alto la condición escritural de las imágenes, el modo particular (apelativo) con el que el pintor aplica pigmento en superficie con la voluntad de nombrar lo real. Las formas de aplicar el pigmento, de inscribir, de cortar, de borrar, de cerrar o dejar abierto el poro del lienzo, etc… constituyen la gramática de un procedimiento alegórico con el objeto de nombrar la experiencia y que solo algunos pintores -independientemente de su virtuosismo o “genética visual”- son capaces de dominar y a los que podemos llamar Maestros. Representar no es para ellos simplemente una traducción de la imagen mental en el lienzo sino una reproducción otra del lenguaje de las formas, una manera de expresar comprensión de los efectos que la realidad de las formas produce en el momento en el que “los objetos nos perciben” (Paul Klee, Diarios).
Una exposición retrospectiva de la obra del Maestro de la pintura Giorgio Morandi en David Zwirner Gallery de Nueva York (1) revela este proceso ya no de captura sino de aprendizaje y puesta en acción de la gramática de lo visual. El uso por parte de Morandi de los mismos referentes: botellas, vasijas, etc., así como el hecho de que muchas de ellas fueran simples maquetas de fabricadas como “dummies”, meros moldes sin otra función que la de servir como modelos, nos da a entender cómo la realidad en muchas ocasiones no sirve como referente, está tan contaminada por un uso práctico que impide ver la condición escritural del mundo de los artefactos. El término pictórico “naturaleza muerta” se encuentra aquí definido con precisión: una colección de objetos que han fallecido como elementos prácticos del mundo para destinarse al trabajo pictórico. Para Morandi el hecho de la repetición de los mismos objetos, en diferentes configuraciones y proximidades, denota que hay una supres ión de lo simbólico, del elemento “vanitas”. Una voluntad de comprender lo real y reescribirlo en el lienzo, como la escritura de una partitura que, ejecutada – en la propia pintura, pero también en las huellas que permiten apreciar su recorrido-, se convierte en experiencia.
Esta “gramática de lo visual” se observa quizá con mayor claridad en los pliegues de las formas, en la línea rota que explica el volumen imperfecto de una vasija o una pieza de fruta, en la transición de un claroscuro... Los mejores pintores, los maestros, no son entonces quienes hacen gala del hiperrealismo y sus formas de “esconder la mano” sino quienes permiten e incluso utilizan la torpeza, el tartamudeo de nuestras formas de representar. Es ahí donde se hacen mas patentes las maneras de hacer visible o de ocultar nuestro deseo de nombrar lo real, de escribirlo alegóricamente como una llave que nos da acceso a una experiencia profunda más allá de la retina, a una experiencia de conocimiento. 

(1) Giorgio Morandi. Zavid Zwirner Gallery. Nueva York. 6 de Noviembre a 19 de Diciembre del 2015.