miércoles, 24 de febrero de 2016

Lettre de Marcel Proust à Jean Cocteau 2 min

1911




Cher Jean
J’ai retrouvé une lettre adressée à vous par moi au Cap Martin, je vous en copie q.q. passages.
Dans ton Midi, pour ces raisons, je t’écris, Jean :
Le silence est de plomb, la parole d’argent
Et les mots font du bien où l’on voit l’effigie
De l’Amitié, ou de Minerve, ou bien… d’Hygie.
Donc reçois tous ceux-ci comme maigre salaire
De ton charme vivant qui sait si bien me plaire.
D’abord prose : tu sais, homme talentueux
M’imaginant Verlainien et fastueux
Tu m’as écrit sur du papier du Mercure
Pour joindre aux boulingrins un faune dont n’a cure
Ton ami qui n’est pas si féru de Verlaine
Et grogne s’il lui faut ouvrir son bas de laine
Aussi je n’envoyai, Jean, que cinquante francs.
Mais j’ai honte. Faut-il doubler, tripler ? Sois franc.
Autre chose, j’irai voir Maman Colibri
Parmi les jeunes gens flos libri :
Quels sont intéressants (j’entends intéressés)
En dehors du classique et charmant Puylagarde
Un peu Forain pour moi dans sa face hagarde.
Peut-on sentir de près les roses et les lys
De celui dont le nom hélas est Cazalis
Et recevoir cela de Monteaux, de Jean [Kern]
Que j’appelais enfant du fromage à la [Kern]
Cher Jean je n’ai pas la force d’en copier plus et j’ai beaucoup sauté. Inutile de répondre puisque Maman Colibri est finie. Et d’ailleurs tout cela, il faudra bien vous l’avouer, est de la blague (Pas mon amitié, elle est vraie).
Adieu cher Jean.
Marcel
Excusez le tutoiement qui était « poétique » et dont vous excuserez la familiarité et la licence en lui appliquant la même épithète atténuante. Tendresses à Lucien si vous le voyez.
Si vous êtes fort secret, je vous raconterai mille choses (inutile de vous dire que bien que cela vienne après le mot Lucien, ces choses n’ont aucun rapport avec lui dont je n’ai à raconter rien sinon combien je l’aime et l’admire).

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