sábado, 21 de mayo de 2016

Lettre de Rimbaud à sa mère

30 avril 1891




Ma chère maman,
J’ai bien reçu vos deux bas et votre lettre, et je les ai reçus dans de tristes circonstances. Voyant toujours augmenter l’enflure de mon genou droit et la douleur dans l’articulation sans trouver aucun remède ni aucun avis puisqu’au Harar nous sommes au milieu des nègres et qu’il n’y a point là d’Européens, je me décidai à descendre. Il fallait abandonner les affaires, ce qui n’était pas très facile, car j’avais de l’argent dispersé de tous les côtés, mais enfin je réussis à liquider à peu près totalement.
Depuis déjà une vingtaine de jours[,] j’étais couché au Harar, et dans l’impossibilité de faire un seul mouvement, souffrant des douleurs atroces, et ne formant jamais. Je louai seize nègres porteurs à la raison de 15 thalaris l’un, de Harar à Zeilah, je fis fabriquer une civière recouverte de toile, et c’est là[-]dessus que je viens de faire, en douze jours, les 300 kilomètres de désert qui séparent les monts du Harar du port de Zeilah. Inutile de vous dire quelles horribles souffrances j’ai subies en route, je n’ai jamais pu faire un pas hors de ma civière, mon genou gonflait à vue d’oeil et la douleur augmentait continuellement.
Arrivé ici[,] je suis entré à l’hôpital Européen, il y a une seule chambre pour les malades payants, je l’occupe. Le docteur anglais[,] dès que je lui ai montré mon genou[,] a crié que c’est une synovite, arrivée à un point très dangereux par suite du manque de soins et de fatigues. Il parlait tout de suite de couper la jambe. Ensuite il a décidé d’attendre q[uel]ques jours pour voir si le gonflement diminuerait un peu après les soins médicaux. Il y a six jours de cela, mais aucune amélioration, sinon que, comme je suis au repos, la douleur a beaucoup diminué. Vous savez que la synovite est une maladie des liquides de l’articulation du genou, cela peut provenir de l’hérédité, ou d’accidents, ou de bien des causes.
Pour moi cela a été certainement causé par les fatigues des marches à pied et à cheval au Harar. Enfin à l’état où je suis arrivé, il ne fait pas espérer que je guérisse avant au moins trois mois, sous les circonstances les plus favorables. Et je suis étendu, la jambe bandée, liée, reliée, enchaînée, de façon à ne pouvoir la mouvoir. Je suis devenu un squelette, je fais peur. Mon dos est tout écorché du lit, je ne dors pas une minute. Et ici la chaleur est devenue très forte. La nourriture de l’hôpital, que je paie pourtant assez cher, est très mauvaise. Je ne sais quoi faire. D’un autre côté[,] je n’ai pas encore terminé mes comptes avec mon associé, M. Tian. Cela ne finira pas avant la huitaine. Je sortirai de cette affaire avec 35 mille francs environ. J’aurais eu plus, mais à cause de mon malheureux départ[,] je perds q[uel]ques milliers de francs.
J’ai envie de me faire porter à un vapeur et de venir me traiter en France, le voyage me ferait encore passer le temps. Et en France les soins médicaux et les remèdes sont bon marché, et l’air est bon. Il est donc fort probable que je vais venir. Les vapeurs pour [la] France à présent sont malheureusement infirme qu’il faut transporter très doucement, enfin, je vais prendre mon parti dans la huitaine. Ne vous effrayez pas de tout cela cependant. De meilleurs jours viendront. Mais c’est une triste récompense de tant de travail, de privations et de peines! Hélas que notre vie est misérable.
Je vous salue de coeur
Rimbaud
PS. Quant aux bas, ils sont inutiles, je les revendrai quelque part.

viernes, 20 de mayo de 2016

Lettre de Friedrich Nietzsche à Franz Overbeck

[10 février 1883]



Cher ami,
L’argent est entre mes mains : et, de nouveau, j’ai pensé à tous les désagréables tracas que je te crée depuis des années. Peut-être y aura-t-il un terme à cela.
Je ne veux pas te le dissimuler, je vais mal. De nouveau la nuit m’environne ; j’ai le sentiment qu’il y aurait eu un éclair — pendant un bref laps de temps, je fus tout à fait dans mon élément et ma lumière. Mais c’est passé. Je crois que je sombre irrémédiablement, à moins qu’il n’arrive quelque chose, je ne sais pas du tout quoi. Peut-être quelqu’un m’emmènera loin de l’Europe — en raison de ma manière physique d’y penser, je me vois maintenant la victime d’une perturbation climatique et terrestre à laquelle l’Europe est exposée. Qu’y puis-je si j’ai un sens de plus et une nouvelle source terrible de souffrances !
Même le simple fait de penser ainsi est déjà un soulagement — je n’ai donc pas à accuser les hommes d’être la cause de ma misère. Bien que je le pourrais ! Et ne l’ai que trop fait ! Tout ce que j’ai évoqué dans mes lettres en t’écrivant c’est qu’accessoire — j’ai à supporter une telle charge de divers souvenirs affreux et torturants ! Ainsi, par exemple, pas un instant n’a quitté mon esprit le fait que ma mère m’a accusé d’être une honte pour la mémoire de mon père ;
Je veux taire d’autres exemples — mais un coup de pistolet m’est désormais une source de réflexions relativement agréables.
Ma vie tout entière s’est décomposée sous mes yeux : cette vie tout à fait lugubre et maintenue cachée, qui fait un pas en avant tous les six ans et ne veut en fait pas aller plus loin que le ce pas-là, tandis que tout le reste, toutes mes relations avec les gens ont affaire à un masque que je porte, et tandis que je dois continûment être la victime du fait de mener une vie complètement dissimulée. J’ai toujours été exposé aux pires avatars — ou plutôt, c’est moi qui ai fait de tous les hasards des atrocités.
Ce livre, à propos duquel je t’ai écrit, une oeuvre faite en dix jours, me semble être aujourd’hui une sorte de testament. Il donne, de la manière la plus aigüe, un portrait de mon être tel qu’il sera dès que je me serai un jour débarrassé de tout ce qui me pèse. Il s’agit d’une composition poétique et non d’un recueil d’aphorismes.
Je crains d’aller à Rome, et je n’arrive pas à me décider. Qui sait quelle tortures m’y attendent ! Je me suis donc mis à être mon propre copiste.
Que puis-je faire sous un tel ciel, avec un temps si changeant ! Ah quelle angoisse ! Et pourtant je sais qu’être au bord de la mer est encore, relativement, ce qui « me convient le mieux » !
En te remerciant du fond du coeur, et en te souhaitant, à toi et à ta chère épouse, le meilleur.
FN.

martes, 17 de mayo de 2016

André Gide






"A lo largo de mi larga carrera, he conocido a dos clases de personas: aquellos que se enamoran, tanto en literatura y en las artes como en la naturaleza de aquello que se les asemeja, y se sienten decepcionados por toda obra que no les ofrezca un espejo en el cual reconocerse; y aquellos que, en sus viajes a través de los países o los libros, buscan una extrañeza consejera, de modo que, entre más se diferencia de ellos el paisaje, más lo encuentran de su agrado. Yo soy de estos últimos. No hay literatura contemporánea que atraiga más mi curiosidad que la de la joven Norteamérica. Sí, aún más que la de la nueva Rusia."
- André Gide





lunes, 16 de mayo de 2016

Lettre de Man Ray à Lee Miller





[Sans date]
Je t’ai aimée follement et jalousement ; mon amour a réduit toute autre passion en moi et, pour compenser, j’ai essayé de justifier cet amour en te donnant toutes les occasions qui étaient en mon pouvoir d’exploiter ce qui était intéressant en toi. Plus tu progressais, plus mon amour était justifié, et moins je regrettais tous les efforts vains de ma part. […] J’ai essayé de faire de toi un complément de ma propre personne, mais ces escapades t’ont fait chanceler, douter de toi, et voilà que tu veux, seule, retrouver ton assurance. Mais tu ne fais que passer sous le contrôle d’un autre, un contrôle encore plus subtil et tyrannique. […] Tu le sais bien, depuis le début j’ai mis à profit tout ce qui pouvait contribuer à ton talent, à ton bonheur, même quand je courais le danger de te perdre ; je ne me suis jamais permis d’intervenir qu’après coup, afin d’empêcher toute rupture brutale, afin que nous puissions revenir ensemble, car toutes les disputes et les réconciliations sont une étape vers la rupture finale, et je ne voulais pas te perdre.




domingo, 15 de mayo de 2016

Los cafés son un rasgo característico de Europa, George Steiner





Los cafés son un rasgo característico de Europa. Van del establecimiento preferido de Pessoa, en Lisboa, a los cafés de Odessa donde todavía se siente la presencia de los gángsters de Isaac Babel. Se extienden desde los cafés de Copenhague, ante los cuales pasaba Kierkegaard durante sus paseos meditabundos, a los mostradores de Palermo. No hay cafés antiguos o característicos en Moscú, que es ya un suburbio asiático. Hay muy pocos en Inglaterra, luego de una moda efímera en el siglo XVIII. No hay ninguno en América del Norte, con excepción de esa sucursal francesa que es Nueva Orleáns. Si uno dibuja el mapa de los cafés obtendrá una de las referencias esenciales de la “noción de Europa”.
El café es un lugar de encuentro y complot, de debate intelectual y chismorreo, el lugar del flâneur y del poeta o del metafísico con sus infaltables cuadernos. Está abierto a todos y sin embargo también es un club, una francmasonería de reconocimiento político o artístico y literario, de presencia programática. Una taza de café, un vaso de vino, un té con ron franquean el paso a un local donde se puede trabajar, soñar, jugar ajedrez o simplemente pasar el día cómodamente. Es el club del espíritu y la “lista de correos” de los que no tienen domicilio. En el Milán de Stendhal, en la Venecia de Casanova, en el París de Baudelaire, el café albergaba a la oposición política, al liberalismo clandestino. En la Viena imperial y de entreguerras tres grandes cafés constituían el ágora, lugar para la elocuencia y la rivalidad de escuelas opositoras de estética y de economía política, de psicoanálisis y de filosofía. Las personas deseosas de encontrar a Freud o a Karl Kraus, a Musil o a Carnap, sabían con precisión en qué café buscarlos, en qué mesa sentarse. La última vez que Danton y Robespierre se entrevistaron fue en el Procope. Cuando en 1914 las luces se extinguen en Europa, Jaurès cae asesinado en un café. Y en un café de Ginebra, Lenin trabaja en su tratado sobre el empiriocri­ticismo mientras juega a ajedrez con Trotsky.
Obsérvense las diferencias ontológicas. Un pub inglés, un bar irlandés poseen un aura y una mitología particulares. ¿Qué sería la literatura irlandesa sin los bares de Dublín? ¿O dónde si no en la Museum Tavern habría encontrado el doctor Watson a Sherlock Holmes? Pero ésos no son cafés. Ahí no hay tableros ni periódicos colgando de su costilla de madera para que los clientes dispongan de ellos. No es sino hasta hace muy poco que tomar café se ha vuelto en Gran Bretaña un hábito público, envuelto aún en un halo italiano. El bar americano cumple un papel considerable en la literatura y el eros de ese país, en el carisma de figuras como Scott Fitzgerald o Humphrey Bogart. La historia del jazz es inseparable de él. Pero el bar americano es un santuario de penumbras, incluso de oscuridad, que palpita al ritmo de una música no pocas veces ensordecedora. Su sociología, su ropaje psicológico están impregnados de sexualidad, de presencias femeninas esperadas, soñadas o reales. Nadie redactaría un tratado de fenomenología en la mesa de un bar americano (cf. Sartre). Para poder permanecer, los clientes deben renovar sus consumos. Hay “desalojadores” para expulsar a los indeseables. Cada uno de estos rasgos define un genio radicalmente distinto del genio del café Central, del Deux-Magots o del Florian. “La mitología existirá mientras haya mendigos”, dijo Walter Benjamin, conocedor apasionado y peregrino de los cafés. Mientras haya cafés, la “noción de Europa” tendrá contenido.


La tumba más hermosa del mundo, Stefan Zweig




Tumba de Tolstoi
No he visto en Rusia nada más grandioso e impresionante que la tumba de Tolstoi. Ese augusto monumento, venerable centro de peregrinación de las generaciones futuras, queda desplazado y solo, sombreado en el bosque. Un sendero estrecho, que discurre sin aparente plan entre claros y maleza, conduce a este túmulo, que no es otra cosa que un pequeño rectángulo amontonado de tierra, que nadie vigila ni ampara, a la sombra única de unos pocos grandes árboles. Y esos árboles descollantes, mecidos suavemente por el viento del temprano otoño, fueron plantados por el mismo León Tolstoi, según me refiere su nieta. Su hermano Nicolás y él habían oído, cuando niños, de boca de alguna ama o aldeana, la antigua conseja de que allí donde se plantan árboles se constituye un lugar de felicidad. Y por eso, jugando, habían hincado por las buenas en la tierra unos cuantos renuevos en determinados lugares y no habían tardado en olvidar este juego de niños. Sólo al cabo de mucho tiempo se acordó Tolstoi de aquella anécdota infantil y del extraño augurio de felicidad, que se presentó de repente al hombre fatigado de la vida como provisto de un significado nuevo y más bello. E inmediatamente expresó su deseo de ser enterrado bajo aquellos árboles plantados por él mismo.
Se cumplió puntualmente esta voluntad de Tolstoi, y aquel lugar pasó a ser la tumba más bella, impresionante y triunfal del mundo. Un pequeño túmulo rectangular en medio del bosque, recubierto de flores –nulla crux, nulla corona–, sin cruz, ni lápida, ni inscripción, y ni siquiera el nombre: “Tolstoi”. El gran hombre está enterrado en el anonimato; el que sufría como ninguno bajo el peso de su nombre y fama, enterrado como cualquier vagabundo hallado por casualidad. A nadie se impide el acceso a su último lugar de descanso; la débil cerca que lo rodea no está cerrada: nada protege el descanso de León Tolstoi sino el respeto de los hombres, que, en otros casos, se complacen en turbar con su curiosidad las tumbas de los grandes. Pero aquí justamente la irrefutable sencillez proscribe la desatada curiosidad e impone hablar en voz baja. El viento susurra en los árboles que cobijan la tumba del anónimo; el sol juguetea sobre ella; la nieve pone en invierno su tierna nota de blancor sobre la tierra oscura, y se podría transitar por aquí, verano e invierno, sin advertir que ese pequeño rectángulo prominente  acogió en su seno la parte terrena de uno de los hombres más poderosos de nuestro mundo. Mas precisamente ese anonimato conmueve más que todos los mármoles y pompas posibles: de los centenares de personas de hoy, este día excepcional, ha atraído hacia su rincón de descanso, ninguno ha tenido el atrevimiento de tomar como recuerdo ni una sola flor del oscuro túmulo. Nada de este mundo resulta más monumental –eso se experimenta de continuo– que la suprema sencillez. Ni la cripta de Napoleón bajo los mármoles de los Inválidos, ni el sepulcro de Goethe en la tumba principesca de Weimar, ni el sarcófago de Shakespeare en la abadía de Westminster impresionan a su vista una y otra vez las fibras más humanas del hombre como esa conmovedora tumba anónima perdida en el bosque, con su solemne silencio, en la que sólo susurra el viento y que está desprovista de todo aviso y palabra.
Stefan Zweig
Hombre, libros y ciudades