lunes, 14 de marzo de 2016

Lettre d’Albert Einstein à sa future femme, Mileva Maric

[30 août ou 6 septembre 1900]



Ma toute petite,
Ta chère lettre, la première, est arrivée hier de chez toi. J’ai déjà commencé par en lire les lignes dans le calme de ma chambre, et ce, trois fois de suite. Puis, tout heureux, je l’ai relue longtemps entre les lignes, enfin je l’ai glissée dans ma poche avec un sourire béat. « Bonne Maman » est très agréable et n’aborde pas le « sujet délicat », d’autant plus que ma bonne humeur, ma popularité parmi les estivants et mes « succès musicaux » mettent un peu de baume sur son cœur de belle-mère, si bien que la situation est maintenant presque supportable.
[…]
J’ai aussi reçu une lettre que Papa m’a écrite pour me faire la morale, en attendant mieux, car il m’a promis qu’il me dirait l’essentiel plus tard, de vive voix. Conscient de mes devoirs, je m’en réjouis à l’avance. Je comprends très bien mes parents. Ils considèrent que la femme est pour l’homme un luxe que celui-ci ne peut s’offrir qu’une fois son existence bien assurée. Pour ma part, j’apprécie très peu cette façon de concevoir les relations entre hommes et femmes. Elle signifie en effet que l’unique différence entre une épouse et une putain, c’est que la première, grâce à des conditions de vie plus favorables, est d’extorquer à l’homme un contrat pour la vie. Une telle façon de voir les choses s’explique tout simplement par le fait que, pour mes parents, comme pour la plupart des gens, les sens exercent un contrôle immédiat sur les émotions, alors que, pour nous, le plaisir de vivre s’accroît à l’infini grâce aux circonstances dans lesquelles nous vivons. Mais nous ne devons pas oublier combien d’existences comme celles de mes parents rendent la nôtre possible. Dans l’évolution sociale de l’humanité, elles sont en effet de loin la composante la plus importante. La faim et l’amour continuent à être des mobiles si puissants dans la vie qu’ils permettent d’expliquer presque tout, sans savoir besoin de tenir compte d’autres motivations. C’est pourquoi j’essaie de ménager mes parents, sans céder pour autant sur ce qui me semble important, à savoir toi, mon cher amour !
[…]
Quand tu n’es pas avec moi, j’ai l’impression de ne pas être entier. Quand je suis assis, j’ai envie de marcher. Quand je marche, j’ai envie de rentrer à la maison. Quand je me distrais, j’ai envie de travailler. Quand je travaille, la réflexion et le calme me font défaut, et quand je vais me coucher, je ne suis pas satisfait de la journée que je viens de passer.
Amuse-toi bien, mon petit cœur, je t’embrasse de toutes mes forces, ton
Albert.

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